GUILLAUME APOLLINAIRE
(Rome, August 26, 1880 – Paris, November 9, 1918)


Las nueve uertas de tu cuerpo

Oh puertas de tu cuerpo
Son nueve y las he abierto todas
Oh puertas de tu cuerpo
Son nueve y para mí se han vuelto a cerrar todas
En la primera puerta
La Clara Razón ha muerto
Era ¿te acuerdas? el primer día en Niza
Tu ojo izquierdo así como una culebra se desliza
Hasta mi corazón
Y que se vuelva a abrir de nuevo la puerta de tu mirada izquierda

En la segunda puerta
Ha muerto toda mi fuerza
Era ¿te acuerdas? en un albergue en Cagnes
Tu ojo derecho palpitaba como mi corazón
Tus párpados latían como en la brisa laten las flores
Y que se vuelva a abrir de nuevo la puerta de tu mirada derecha

En la tercera puerta
Escucha latir la aorta
Y todas mis arterias hinchadas por tu sólo amor
Y que se vuelva a abrir de nuevo la puerta de tu oído izquierdo

En la cuarta puerta
Me escoltan todas las primaveras
Y aguzando el oído se escucha del bonito bosque
Subir esta canción de amor y de los nidos
Tan triste para los soldados que están en la guerra
Y que se vuelva a abrir de nuevo la puerta de tu oído derecho

En la quinta puerta
Es mi vida que te traigo
Era ¿te acuerdas? en el tren que volvía de Grasse
Y en la sombra muy cerca muy bajito
Tu boca me decía
Palabras de condenación tan perversas y tan tiernas
Que pregunto a mi alma herida
Cómo pude oírlas sin morir
Oh palabras tan dulces tan fuertes que cuando lo pienso me parece tocarlas
Y que se abra de nuevo la puerta de tu boca

En la sexta puerta
Tu gestación de putrefacción oh Guerra está abortando
He aquí todas las primaveras con sus flores
He aquí las catedrales con su incienso
He aquí tus axilas con su divino olor
Y tus cartas perfumadas que huelo
Durante horas
Y que se vuelva a abrir de nuevo la puerta del lado izquierdo de tu nariz

En la séptima puerta
Oh perfumes del pasado que la corriente de aire se lleva
Los efluvios salinos daban a tus labios el sabor del mar
Olor marino olor de amor bajo nuestras ventanas se moría el mar
Y el olor de los naranjos te envolvía de amor
Mientras en mis brazos te acurrucabas
Quieta y callada
Y que se vuelva a abrir de nuevo la puerta del lado derecho de tu nariz

En la octava puerta
Dos ángeles mofletudos cuidan de las rosas temblorosas que soportan
El cielo exquisito de tu cintura elástica
Y heme aquí armado con un látigo hecho con rayos de luna
Los amores coronados con jacinto llegan en tropel.
Y que se vuelva a abrir de nuevo la puerta de tu alma

Con la novena puerta
Es preciso que salga el amor mismo
Vida de mi vida
Me junto contigo para la eternidad
Y por el amor perfecto y sin ira
Llegaremos a la pasión pura y perversa
Según lo que queramos
A todo saber a todo ver a todo oír
Yo me renuncié en el secreto profundo de tu amor
Oh puerta umbrosa oh puerta de coral vivo
Entre dos columnas de perfección
Y que se vuelva a abrir de nuevo
la puerta que tus manos
saben abrir tan bien



Les neuf portes de ton corps (French)

Ce poème est pour toi seule Madeleine
Il est un des premiers poèmes de notre désir
Il est notre premier poème secret ô toi que j`aime
Le jour est doux et la guerre est si douce. S`il fallait en mourir !!

Tu l`ignores, ma vierge ? à ton corps sont neuf portes
J`en connais sept et deux me sont celées
J`en ai pris quatre, j`y suis entré n`espère plus que j`en sorte
Car je suis entré en toi par tes yeux étoilés
Et par tes oreilles avec les Paroles que je commande et qui sont mon escorte.

Oeil droit de mon amour première porte de mon amour
Elle avait baissé le rideau de sa paupière
Tes cils étaient rangés devant comme les soldats noirs peints sur un vase grec, paupière rideau lourd
De velours
Qui cachait ton regard clair
Et lourd
Pareil notre amour.

Oeil gauche de mon amour deuxième porte de mon amour
Pareille à son amie et chaste et lourde d`amour ainsi que lui
Ô porte qui mène à ton coeur mon image et mon sourire qui luit
Comme une étoile pareille à tes yeux que j`adore
Double porte de ton regard je t`adore

Oreille droite de mon amour troisième porte
C`est en te prenant que j`arrivai à ouvrir entièrement les deux premières portes
Oreille porte de ma voix qui t`a persuadée
Je t`aime toi qui donnes un sens à l`Image grâce à l`Idée

Et toi aussi oreille gauche toi qui des portes de mon amour est la quatrième
Ô vous, les oreilles de mon amour je vous bénis
Portes qui vous ouvrîtes à ma voix
Comme les roses s`ouvrent aux caresses du printemps
C`est par vous que ma voix et mon ordre
Pénètrent dans le corps entier de Madeleine
J`y entre homme tout entier et aussi tout entier poème
Poème de son désir qui fait que moi aussi je m`aime

Narine gauche de mon amour cinquième porte de mon amour et de nos désirs
J`entrerai par là dans le corps de mon amour
J`y entrerai subtil avec mon odeur d`homme
L`odeur de mon désir
L`âcre parfum viril qui enivrera Madeleine

Narine droite sixième porte de mon amour et de notre volupté
Toi qui sentiras comme ta voisine l`odeur de mon plaisir
Et notre odeur mêlée plus forte et plus exquise qu`un printemps en fleurs
Double porte des narines je t`adore toi qui promets tant de plaisirs subtils
Puisés dans l`art des fumées et des fumets.

Bouche de Madeleine septième porte de mon amour
Je vous ai vue, ô porte porte rouge, gouffre de mon désir
Et les soldats qui s`y tiennent morts d`amour m`ont crié qu`ils se rendent
Ô porte rouge et tendre

Ô Madeleine il est deux portes encore
Que je ne connais pas
Deux portes de ton corps
Mystérieuses

Huitième porte de la grande beauté de mon amour
Ô mon ignorance semblable à des soldats aveugles parmi les chevaux de frise sous la lune liquide des Flandres à l`agonie !
Ou plutôt comme un explorateur qui meurt de faim de soif et d`amour dans une forêt vierge
Plus sombre que l`Érèbe
Plus sacrée que celle de Dodone
Et qui devine une source plus fraîche que Castalie
Mais mon amour y trouverait un temple
Et après avoir ensanglanté le parvis sur qui veille le charmant monstre de l`innocence
J`y découvrirais et ferais jaillir le plus chaud geyser du monde
Ô mon amour, ma Madeleine
Je suis déjà le maître de la huitième porte

Et toi neuvième porte plus mystérieuse encore
Qui t`ouvres entre deux montagnes de perles
Toi plus mystérieuse encore que les autres
Porte des sortilèges dont on n`ose point parler
Tu m`appartiens aussi
Suprême porte
À moi qui porte
La clef suprême
Des neuf portes

Ô portes ouvrez-vous à ma voix
Je suis le Maître de la Clef

 

Wilhelm Albert Włodzimierz Apolinary Kostrowicki (Guillaume Apollinaire) was a French poet, playwright, short story writer, novelist and art critic born in Rome, in Italy, to a Belarusian mother.

Among the foremost poets of the early 20th century, he is credited with coining the word Surrealism and writing one of the earliest works described as surrealist, the play The Breasts of Tiresias (1917, used as the basis for a 1947 opera). Two years after being wounded in , he died in the Spanish flu pandemic of 1918 at age 38.